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mardi 20 juin 2017

Trail de la Vallée des Lacs : retour aux sources.





Je participais il y a voilà un an presque jour pour jour, à la course que je considère être mon premier vrai trail, le trail long de la Vallée des Lacs. Au lendemain de mon retour d'Annecy, il était pour moi impensable de ne pas revenir courir sur les terres qui, sans aucun doute, m'ont fait et me font encore par dessus tout aimer le trail. Pour rester raisonnable et comme un anniversaire qu'on fête chaque année, j'ai choisi encore une fois de prendre part au trail long : 55 kilomètres et 2500 mètres de D+ étaient donc au programme. A ceux qui ne connaissent pas encore la Vallée des Lacs, qui ne jurent que par les trails alpins, ou qui souhaitent découvrir plus intimement le massif des Hautes Vosges, les quelques lignes de ce récit sauront vous faire patienter jusqu'à la prochaine édition de cette formidable course.

Pour y avoir passé plusieurs weeks-end en préparation de la Maxi-Race, ces traces vosgiennes, je commence doucement à les connaitre. Je partais confiant sur une course que je pensais connaitre par coeur. J'ai pris la peine pendant une semaine de ne manger que des pâtes pour éviter toute déconvenue le jour J ( vous pensez tous à la croziflette la veille de la Maxi-Race, je sais ), le parcours a été étudié, le repos d'avant course respecté, aucune douleur n'était à signaler, en somme, tous les bonnes conditions d'avant course étaient réunies. Arrivé à Gérardmer le samedi à 7h30 après 2 heures de route depuis Metz, direction l'espace Lac pour y récupérer mon dossard. Tout est encore calme, le village des partenaires prend doucement forme, le ciel est couvert sans que l'on puisse dire qu'il fait mauvais et la température est encore fraiche. Bien que les bénévoles soient à pied d'oeuvre depuis 3h ce matin, l'accueil est des plus chaleureux, la bonne humeur est au rendez-vous. Le soleil pointe le bout de son nez, et fait briller le lac Gérômois. S'il fallait utiliser un adjectif pour décrire ces quelques minutes qu'il me reste avant le départ, c'est le mot paisibles que je choisirais sans hésiter. 

L'heure du départ approche, après avoir enfilé le reste de ma tenue je me dirige vers le sas de départ. Encore une fois tout se fait dans le calme, je me place ni trop devant, ni trop derrière, juste au milieu. Derniers encouragements recueillis auprès de ma supportrice et le départ est donné. Les consignes de mon moi intérieur à mon moi physique : gérer la course, ne pas partir trop vite car de toute manière, il y aura largement le temps de reprendre du temps par la suite. Les consignes auront été respectées ... 30 secondes, que le clignotant est déjà enclenché lorsque l'on quitte les abords du lac. Je sais que la montée jusqu'à la station de ski de la Mauselaine est relativement étroite, sans grandes possibilités de doubler, donc j'avise, du moins c'est ce que je me dis... J'aperçois Kévin et ses chaussettes plus que flash du Team My-Sport, j'essaye de me rapprocher pour lui dire bonjour que je le perds lorsque la route bifurque sur la place Albert Ferry. Rapidement la trace quitte le bitume et les choses sérieuses commencent. Je suis confiant, adopte un bon rythme, peut-être même un trop bon rythme puisque je relance relativement souvent sans réellement gérer mon effort. Fondalement, les montées ne sont pas spécialement abruptes, mais la succession de ces raidillons, entrecoupés de faux plats et de courtes descentes laissent croire que le profil est plus doux qu'il n'y parait.

Rapidement s'engage alors un dialogue entre mon cerveau et mes jambes dont je ne suis que l'impuissant spectateur, si je devais poser des mots sur ce dernier, il ressemblerait à quelque chose du genre : jambes - mon pote t'es au courant qu'on s'est tapé 83 bornes il y a pas 3 semaines ? cerveau - m'en fous - on va se taper des crampes et on avencera plus du tout hein ! - m'en fous. Au final je sais que je cours à un rythme un peu trop élevé mais l'euphorie de la course, les conditions parfaites n'aident pas à redescendre sur un rythme plus raisonnable, et puis, lorsqu'on découvre le panorama depuis les Champis, on ne peut qu'avoir envie de courir... Finalement j'arrive rapidement au premier ravitaillement du pont de Blanchemer, je suis étonné d'y voir Emir, qui me dit que blessé, il s'arrêtera ici pour ne pas empirer son problème. Je ne reste pas longtemps, me ravitaille en vitesse et repars. 16 kilomètres ont déjà été abattus, mais le plus dur est à venir. 

Crédit photo : Jean-Brice Baudot

Une fois reparti du ravitaillement, je sais que quelques belles pentes sont à venir. Un type ne faisant pas parti de la course me met justement en garde lorsqu'il s'agit d'attaquer le mur après le lac de Blanchemer, je lui réponds en riant que je le connais plutôt bien. A ce moment de la course je suis seul, le ravitaillement ayant permis de créer de grands espaces entre les coureurs. Le mur est passé sans trop d'encombre. Un faux plat, dans lequel j'essaye autant que faire se peut de courir, nous mène au pied de l'ascension du Rainkopf. Sommet que j'affectionne tout particulièrement, pas spécialement pentu, mais à la trace fuyante dont le point culminant est caché par le profil qui doucement s'adoucit sur la fin. Une fois au sommet je prends quelques secondes pour profiter de la vue et j'attaque la descente. Si les quelques marches empêchent de dérouler dans les premièrs mètres, les derniers sont vraiment plaisants, la vitesse étant au rendez-vous. La trace nous mène au dessus de l'Auberge de la chaume du Firstmiss, la route des crêtes étant empruntée pour continuer cette ascension vers le point culminant de la course : le Hohneck. 


Une fois la chaume traversée, c'est toujours la classique crête qui est empruntée. On découvre au loin le Hohneck et son hotel restaurant. Le bleu azur du ciel est masqué par les nuages, mais aujourd'hui plus encore que les autres jours, je trouve le sommet majestueux. Les jambes sont lourdes, mais les encouragements des randonneurs qui passent par là sont pour le moins remotivants. Encouragements qui redoublent une fois les 1 363 mètres d'altitude atteints. Une fois en haut, je souffle quelques instants car je sens que des crampes commencent à se faire sentir. Fort heureusement, le ravitaillement du refuge du Sotré n'est plus bien loin. La descente pour y parevenir est relativement longue et cassante mais je rêve de sel, je rêve de gros sel pour faire passer ces crampes et si mes souvenirs sont bons, l'année dernière il y en avait à disposition sur ce deuxième ravitaillement. Seulement, lorsque je l'atteins enfin, pas de sel à disposition... J'avise en compensant avec de la soupe et des biscuits apéro prisés de tout traileur, vous voyez le truc, enfin le TrUC vous le voyez ? Cette courte pause fait du bien et lorsque je repars, un groupe de VTTistes m'encourage, je leur dis en rigolant qu'il y en a marre, l'un me répond " écoute Pierrot, on sait que t'es en colère, mais tout va bien se passer ! ", tout le monde éclate de dire et c'est reparti. 


 Reparti, je me dis que le plus dur a été fait, ayant cumulé près de 1500 mètres de D+ sur ces 26 premiers kilomètres, le profil devrait désormais être plus doux sur les quelques 30 kilomètres restants. C'est bien là que je me trompais, si le profil moyen allait être plus doux, encore une fois c'est à  une succession de raidillons que j'allais avoir affaire. Une relance plus souvent permise, les descentes parfois ereintantes, mine de rien la course est fatiguante et je commence à me dire que ce genre de profil est au moins aussi difficile que celui auquel j'étais confronté à Annecy. J'aurais tendance à dire que certaines portions sont même plus techniques. Justement, la portion qui relie les deuxième et troisième ravitaillements en sont le parfait exemple. La fatigue commence à se faire sentir et il faut traiter avec les sentiers les plus exigeants de la course, les plus joueurs aussi. Le pied se dérobe parfois dans ces pierriers traitres où la vigilance est de rigueur. Le genre de moment où on a l'impression de ne pas avancer, et durant lesquels, personnellement, je peste intérieurement. Après coup, lorsqu'on y repense calmement, on se dit que c'est ce genre de passages qui fait le charme du trail de la Vallée des Lacs. 






  Crédit photo : Jean-Brice Baudot




Les choses se calment lorsque l'on rejoint le lac de Lispach, la relance est permise, mais reste difficile après quelques kilomètres de sentiers techniques. Le tour du lac est plutôt sympathique et de mémoire de l'année précédente, je sais qu'il ne reste plus grand chose à parcourir afin d'atteindre le dernier ravitaillement. Une dernier coup de 150 mètres D+ me tanne légèrement. Heureusement, la route que nous traverons m'indique que l'on arrive aux abords du lac de Longemer, où se trouve le dernier ravitaillement. A ma grande surprise, la route n'est plus longée, mais une variante est empruntée, ce qui permet de rester sur un sentier technique plutôt que sur 1 kilomètre de bitume. Surprise positive donc. Encore une fois les encouragements pleuvent arrivé au ravitaillement. Je m'alimente correctement, prends cinq bonnes minutes le temps de faire le plein de mes flasques jusqu'à ce que je me rende compte que des dosettes de sel sont présentes. Sans chercher à comprendre, j'en utilise deux dosettes, dont le contenu est avalé tout rond, ce qui ne manque pas d'intriguer deux bénévoles qui se regardent avec interrogation. Les crampes me chatouillent toujours mais le plus dur a été fait, pour de vrai cette fois ! Je charge encore mes flasques de sel et repars.

Crédit photo : Jean-Brice Baudot


En repartant du ravitaillement, je sais qu'il me reste approximativement 14 kilomètres et 500 mètres de D+. D'entrée, 3 minutes après avoir quitté le ravitaillement, on prend un joli mur. Si certains grimacent, je me dis que c'est 100 mètres de déniv. qui sautent d'un coup et que forcément le reste du parcours sera plus roulant. Le temps de téléphoner à mon père, avec qui j'ai pu reconnaitre le parcours plus d'une fois, pour lui faire état de la situation " tu sais le mur après le ravitaillement de Longemer ? - ouaaaais -blablabla ", 5 minutes de discussion qui font du bien au moral. Montée suivie par quelques kilomètres de douce montée que j'attaque tranquillement, je prends le rythme, déconnecte le cerveau. Arrivée au "sommet", il faut subir une partie plate, un single tout tracé qui semble interminable. Je me force à courir car à ce moment de la course je dois avouer que j'en ai plein les bottes. C'était sans compter sur une rencontre fortuite qui allait me redonner un second souffle en cette fin de course. Un coureur se porte à mon niveau et soupire, je lui fais comprendre que j'ai également bien envie d'en terminer. Au final la discussion s'engage et le temps passe à une vitesse folle, chacun raconte sa vie, je lui partage ma flasque d'eau de mer ( vu la quantité de sel incorporée au ravitallement, on peut clairement considérer que c'était de l'eau de mer ). Le chemin nous fait passer par l'auberge du Grouvelin, le profil est descendant, c'est le moment où on fait abstraction de tout, et que les forces nous regagnent, certainement les dernières forces à disposition. Tout est histoire de mental, et lorsque tous les signes extérieurs sont positifs, malgré la fatigue, rien ne pourrait entamer ce soudain regain d'énergie. Rien, pas même le dernier raidillon du 53 eme kilomètre, posé ici comme une mauvaise farce de l'organisation, car une fois franchi, c'est le retour sur Gérardmer qui nous attend. Thomas, mon compagnon de galère de ces quelques derniers kilomètres n'a de cesse de me parler de la bière qu'il attend impatiemment. Personnellement j'y pense aussi, on y pense tous, celle dont les perles ruisselantes liées à la condensation indiquent que le niveau de fraicheur est plus qu'optimal. Je pense aussi à une munstiflette du cosmos car je commence à avoir faim. Le temps de se laisser envahir par le vice que le bitume est rejoint. Le lac de Gérardmer est désormais visible, tout comme l'arche d'arrivée au loin. On commence à être habitué à ces arrivées en bord de lac. Thomas est pressé d'en finir, et me demande de dérouler sur les derniers mètres de bitume, la descente est abrupte et les cuisses engourdies par la fatigue peinent à accélérer le rythme. Traversée de la dernière route et nous y sommes, l'arche d'arrivée est en vue, ma supportrice est au rendz-vous, félicités par les supporters, Thomas m'attend, voilà, les 55 kilomètres sont bouclés en 7h25. 


J'apprendrai quelques heures plus tard que je termine 48eme au scratch sur les 430-440 partants, une place qui me satisfait totalement, alors même que je suis venu courir par pûr plaisir, sur des sentiers qui constituent pour moi la référence. Je manque certainement d'objectivité, la Vallée des Lacs ayant une signification toute particulière pour moi. Un parcours exceptionnel : ludique, technique, exigeant et des points de vue à couper le souffle. Une paisibilité rarement retrouvée. Sans dénigrer les autres trails vosgiens, je pense pouvoir dire que le trail de la Vallée des Lacs est un savant condensé de ce que le massif des Vosges a de plus beau à nous offrir. A une organisation qui a su exploiter à merveille ce potentiel, on ne peut dire qu'une chose : merci, merci de faire de notre région une magnifique terre de trail. 

Le week-end ne s'arrêtait pour autant pas là. Le trail et ses valeurs, semblant être communicatifs, ma fidèle supportrice prenait également part à sa première course du genre. A coeur de choisir une belle manifestation, je ne pouvais que lui conseiller la course nature de la Vallée des Lacs. En guise de récupération, je reprenais donc part le lendemain à la Courrue. 13 kilomètres supplémentaires, dont quelques uns inédits que je n'avais pas empruntés le samedi.











Après deux jours de course au sein de la Vallée des Lacs, quelques litres de bière et quelques centaines de grammes de fromage fondu plus tard, une baignade au Lido constituera le clap de fin de ce week-end Vosgien. Rendez-vous est déjà pris pour l'année 2018, évidemment. 




Toutes les photos n'étant aujourd'hui pas de moi, je souhaite dire un grand merci à Jean-Brice Baudot pour ses magnifiques photos qui ont su parfaitement imager mes mots.

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